L'Ecole
normale supérieure de Lyon et le collectif Ville Campagne, association
loi 1901 associant des acteurs des politiques d'accueil dans les
territoires organisent un colloque de recherche. L'ambition de
cette rencontre doit être également l'occasion d'un échange avec les
acteurs des politiques d'installation et d'accueil, et veut déboucher
sur une structuration des programmes de recherche autour de ces enjeux.
Problématique
En
France, comme dans un certain nombre de pays européens, le phénomène
des migrations vers le rural est actif et multiforme. Il résulte d'une
combinaison complexe de phénomènes.
Mais ne pourrait-il pas être
interprété d'abord comme le signal d'un fonctionnement paradoxal, fait
d'un côté d'intégration dans un système globalisé, et, de l'autre, de la
recherche simultanée, si ce n'est d'une alternative, du moins d'une
altérité manifestée par un comportement spatial.
Explicitons.
La géographie économique, fondée sur la « compétitivité par
l'intelligence » (pour reprendre l'expression de Christian
Saint-Etienne) inscrit son empreinte dans l'espace, à travers la
métropolisation. Le monde de la globalisation économique,
qui s'est affranchi des distances, n'a pas aboli le territoire. Mais il
tend à privilégier certains nœuds. C'est l'idée de « l'économie
métropolitaine en réseau » précisée par Pierre Veltz.
Mais
parallèlement, à cette logique extrêmement puissante, qui conditionne
pour une large part les comportements, les habitants opposent, apposent,
superposent des stratégies et des comportements différents.
Stratégies résidentielles, sentiments d'appartenance, etc.. Ce que l'on
pourrait appeler « géographie des modes de vie ».
L'hypothèse de
travail serait dont qu'il y a « frottement » entre cette géographie
économique, et la géographie des modes de vie. De ce frottement naissent
à la fois des frustrations, des tensions (les différentes formes de «
luttes des places », pour reprendre l'expression de Michel
Lussault). Mais de cette confrontation naît aussi du "nouveau".
Ne
faut-il pas changer de paradigme pour comprendre ce lien entre mobilité
et territoire, pour réfléchir les termes d'établissement humain et de
milieu de vie ? Et du même coup, est-ce que cela ne renvoie pas à de
nouvelles responsabilités, écologiques, sociales et environnementales
dont les politiques publiques doivent se saisir ?
Les thèmes de l'appel à communications
Au-delà
de la problématique générale, qui peut susciter - pour alimenter le
débat ou pour illustrer le propos - un certain nombre de communications,
cet appel à contributions propose six thèmes de travail.
1) Revisiter les connaissances sur les « modes de vie en milieu rural »
«
Tout le monde à Chichery, et moi avec, vous dira qu'ici on vit bien,
que la vie est tranquille et douce, l'air respirable, mais
qu'effectivement on ne se connaît plus comme avant, et qu'on n'y
comprend plus grand chose. Trop de nouveaux, trop de partants, de gens
qui passent. Tout cela dit sans regret, sans passion, comme si on était
entré dans une indifférence générale au monde qui nous entoure »
Pascal Dibie (2006) Le village métamorphosé, Plon,
Collection « terres humaines »
Cette citation de l'ethnologue
Pascal Dibie pose la question du « pourquoi » ? Derrière le «on
n'y comprend plus grand chose », il y a la question du « Pourquoi vit-on
en milieu rural. Est-ce une affaire d'hédonisme (« la vie est
tranquille et douce, l'air respirable... ») ? Est-ce un bon compromis
dans une société individualiste et « dans l'indifférence générale au
monde » ? Ou à l'inverse, le milieu rural est il un « incubateur » de
quelque chose en devenir. Un lieu où, de façon plus ou moins
inconscientes, les habitants essayent d'inventer un nouveau type de
rapport aux autres, « à bonne distance ».
La citation de Pascal Dibie
est également située. Chichery, village de l'Yonne, est sans doute
révélateur de nombreux cas similaires en France. Mais il ne les résume
pas tous. La deuxième question que nous inspire cette citation, c'est
bien sûr « où » ? Où est-ce pareil et où est-ce différent ?
La
question du « où ? » et du « pourquoi ? » ne connaît pas aujourd'hui
beaucoup de réponses. L'approche économique domine aujourd'hui dans la
compréhension des dynamiques rurales. Le vivre au village est tantôt
affaire de rente foncière ; tantôt d'attractivité résidentielle liée à
des aménités ; tantôt d'attractivité productive liée à la valorisation «
d'actifs spécifiques ».
Le colloque doit être l'occasion de
présenter des résultats de recherches portant sur les conditions et
modalités avec lesquelles cet espace rural est-il habité, vécu,
approprié, produit par ceux qui y vivent.
Les contributions
sélectionnées pourront chercher à appréhender ce qui structure
l'attachement au milieu rural ; à comprendre la manière dont cet
attachement se construit ; à saisir la manière dont il structure (et il
est structuré) par les rapports sociaux. Y a-t-il en particulier
apparition de nouvelles formes de structures d'accompagnement ?
Ils
pourront également analyser ce que provoque et apporte le brassage
des populations dans les territoires, en termes d'innovations
économiques, sociales ; en termes de patrimonialisation de certaines
pratiques ou de certaines portion de l'espace ; en termes d'adaptation
des mécanismes de gouvernance, de ré-interrogation des processus
démocratiques, etc..
Ils pourront examiner en quoi les mobilités
influencent les pratiques territoriales ; comment elles influencent les
temporalités ; comment s'associent mobilité et temporalité dans les
pratiques territoriales.
Les travaux présentés pourront également
s'attacher à analyser les parcours de vie dans des territoires
marqués par l'arrivée de nouvelles populations.
2) Approfondir le débat « Territorialité et inter-territorialité »
«
La société française ne vit plus dans les territoires qu'elle vient de
reconnaître, d'adopter ou de promouvoir. Mais entre eux, à travers eux »
[..] « Tout système juridique, politique et institutionnel est en
retard sur la société qui le génère » ! Martin Vannier in Le Pouvoir
des territoires - Editions Anthropos 2008.